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Chronique de Pleut-il ? Nouvelles, de Franz Bartelt
Mais pourquoi ne siège-t-il pas à l'Académie française ? Il ferait un tabac, à chipoter tant et plus sur des mots, petits ou gros. Cela est un mystère. Car Franz Bartelt - rien qu'avec son certificat d'études dans sa poche (trouée) et ses tonnes de lectures - est bien trop maniaque pour s'autoriser la moindre petite fêlure à la langue française. Avec son humour abrasif, il est passé maître dans l'art de la digression en tout genre. Il improvise, ou plutôt fait semblant, il disserte, très à son aise, sur la météo (pleut-il ?), la triste destinée des hommes (et des femmes), la grammaire, la stupidité des gaufres (belges), la philosophie (de comptoir, légère dans le style, grave sur le fond). Franz Bartelt, depuis une bonne cinquantaine d'années, ravitaille son désespoir, le soigne presque, à fortes doses de romans noirs - il en a aussi écrit quelques-uns. Il a choisi l'absurdité en guise de viatique, et ose écrire à propos d'un de ses personnages aussi dilettante que lui : « Il gardait sa solitude pour lui tout seul. »
Tout enfant, à l'école, l'écrivain a été désigné par le doigt inquisiteur de la bêtise. Ses professeurs pensaient le punir en l'obligeant à lire un roman « du début à la fin », quand ses camarades, eux, n'écopaient que de vagues lignes à recopier une centaine de fois. Le mauvais garçon ne demandait pas mieux. Dans une de ses nouvelles, il rend grâce à ces « passeurs de textes » un rien à côté de la plaque. Nous aussi, on les remercie d'avoir si bien éduqué le petit Ardennais : « Les maîtres voyaient les bibliothèques comme des maisons de redressement ou comme des camps de rééducation ou de community. Pour eux, un livre prenait la forme rectangulaire d'une cellule de prison. Le délinquant y entrait et y purgeait sa peine. » Aujourd'hui, il conclut : « Il faut lire des romans. Pour toutes sortes de raisons, des bonnes et des mauvaises. Mais surtout parce que c'est la façon la plus féconde d'entendre parler de soi. »
Bartelt cultive la mauvaise foi et en fait ses choux gras : « Parfois, je me demande si je ne lis pas par masochisme... » Et pour réparer la chose, il écrit, se met en scène, claque le bec à la pauvre autofiction : « Puisque l'heure est à la confidence, gémissons un peu. » Le filou invente « le principe de précaution appliqué à la poésie », et brocarde l'unicité dans tous ses états. Deux exemples : « L'être humain est unique et il veut être comme tout le monde », aussi bien que : « Le prix unique du livre est le seul prix littéraire démocratiquement décerné à tous les auteurs. » Les railleries de Franz Bartelt n'épargnent rien, ni l'automne ni personne. Il pousse le plaisir à se moquer de sa confrérie - « un écrivain n'est grand que lorsqu'il est admiré par les footballeurs » -, sans jamais oublier de se mettre dans le lot. Bartelt est un puriste. A-t-il appris cela de son collègue de Charleville-Mézières, l'éternel Rimbaud ? Trop d'émotions tuent. Alors, il renchérit : « Dans la vie, il ne faut jamais faire les choses à moitié. Quand on fait l'imbécile, il faut le faire entièrement. Vous n'êtes pas d'accord ? »